L’eau potable à Saurat, une longue histoire

Depuis longtemps, les habitants de Saurat, pressés par le besoin d’avoir à leur disposition, pour leur usage domestique, une eau pure et potable, demandaient aux hommes qui furent tour à tour chargés de leur administration municipale, qu’ils voulussent s’occuper de cette branche de l’hygiène publique.

Sollicités en permanence par une population de plus en plus exigeante, dans les années 1790, à force de démarches et de recherches, un certain Lafosse pseudo architecte se présenta ; il soumit à la municipalité un projet qui fut accepté ; il organisa ses ateliers aux différents points de la ville, fit faire des fouilles autour des habitations et ouvrir une tranchée le long de la rue, et, quand à force d’essais et de tâtonnements il fut parvenu à réunir un filet assez volumineux pour alimenter quatre becs, il se contenta de le conduire tout simplement, à l’aide de tuiles recouvertes de dalles en deux points de la rue, où il fit construire deux fontaines enfoncées de plus de deux mètres.

Cette solution ne donna pas satisfaction et fut loin de répondre aux attentes des habitants : de l’eau tout juste propre, deux cloaques placés sur la voie publique, où l’on n’aboutissait que par de grands escaliers, fut tout ce que l’on obtint de cette tentative.

La destinée de ces deux fontaines fut paradoxalement longue en raison de leur unique ressource pour les habitants ; une de ces fontaines était installée au quartier de la Fontète.

Pendant de nombreuses années, l’esprit des Sauratois était occupé ailleurs : la gravité des événements politiques, la défense du territoire.

Enfin en 1820, le mécanicien anglais Maher vint se présenter aux autorités communales avec le projet d’établir pour nos fontaines, une machine hydraulique, au quartier de Fontanes, destinée à élever l’eau de la source qui surgit sur ce point, à la hauteur de 30 à 40 mètres, pour la porter ensuite, à l’aide d’un aqueduc assis sur trois arceaux, au côteau du Vignot, afin de pouvoir acheminer l’eau jusqu’à la partie supérieure de la ville, où un réservoir de distribution l’aurait reçue pour fournir l’eau à tous les quartiers de la ville.

Après quelques coups de pioche et coups de pelle, Maher décida d’abandonner son projet, prétextant que la nature du terrain de Fontanes ne convenait pas à une telle construction Il fut remercié après avoir reçu une bonne indemnité.

L’opinion publique ne fut pas cependant ébranlée par cette dernière aventure ; elle se manifesta avec plus d’énergie pour que l’on s’occupa sans tarder d’une chose qu’elle ne cessait de réclamer.

Le conseil municipal, galvanisé par les circonstances, décida en 1822, de voter, sans division, une imposition extraordinaire ; il adopta un devis estimatif de la dépense, qui indiquait qu’une partie de la conduite serait composée de bois de sapin et l’autre en poterie.

Quelques mois après, des sapins provenant de la forêt domaniale de Sauzet furent percés et les poteries prévues, livrées ; plusieurs ateliers furent établis, on construisit un château d’eau à la source de Tragines choisie pour l’abondance, la limpidité, la pureté et la salubrité de son eau.

Les travaux de pose des conduites s’achevèrent, par manque d’argent, place de Conti ; les tuyaux disposés sur 1 700 mètres (tuyaux en poterie au fond de la tranchée, tuyaux en bois percé, en partie supérieure). La dépense de cette partie s’éleva à 8 000 francs.

Malheureusement, les essais démontrèrent que les canalisations étaient engorgées ; l’opération avait totalement échouée. Le projet fut donc définitivement abandonné.

Quelques années après, une nouvelle organisation municipale, ayant à sa tête M. Dessort, prit en mains le destin de la commune ; l’établissement de fontaines publiques galvanisa la nouvelle équipe municipale. Le nouveau projet prenait en compte la source de Tragines, élevée de 168 mètres au-dessus du niveau de la ville, le choix de la canalisation se porta sur des tuyaux en fonte, seuls capables de supporter la force de pression ; la dépense fut évaluée à plus de trente mille francs

La réunion du conseil municipal du 8 juillet 1838, à laquelle s’étaient joints les Sauratois les plus imposés, aboutit à voter une imposition extraordinaire de 20 c.%, pendant 6 années sur les quatre contributions principales

Après l’accord du préfet de l’Ariège, du Conseil d’État à Paris, le roi Louis Philippe, par son ordonnance du 19 mars 1839, autorisa la commune de Saurat à s’imposer extraordinairement 19 c.%, pendant 6 années, sur les quatre contributions directes destinées aux fonds nécessaires à la construction des fontaines publiques.

Les fonds ainsi réunis, les travaux commencèrent aussitôt ; le choix de l’eau de source de Tragines (nature et qualité de l’eau) l’emporta sur celui de la rivière toute proche. M. Sérail, entrepreneur de Foix, accepta un accord avec la commune et signa un traité le 25 janvier 1840 pour la fourniture de tuyaux en fonte jusqu’à l’entrée de la ville.

Pour permettre de supporter le poids de l’eau, un château d’eau intermédiaire fut construit au tournant du chemin de Las Arenos, élevé de 24 mètres au-dessus du niveau de la rue ; l’entrepreneur s’engageait à amener à l’entrée de la ville 10 pouces fontainiers d’eau/minute (140 litres).

En fin d’année 1840, l’eau promise arrivait à l’entrée de la ville. La joie provoquée par l’événement se répandit rapidement dans le pays, toute la population était en émoi ; pour les femmes, l’apparition de cette eau tenait du prodige.

Le dimanche 31 janvier 1841, le conseil municipal convoqué, assista au jaugeage de l’eau et reconnut la performance de l’entrepreneur.

Après cette première phase d’alimentation, le conseil municipal entreprit sans attendre l’étude de la distribution de l’eau potable dans les divers quartiers de la ville, en prévoyant d’installer trois fontaines et huit bornes-fontaines.

Dès le 7 mars 1841, une assemblée de 40 membres composée des membres du Conseil municipal et des plus imposés fut convoquée ; celle-ci se prononça sur la poursuite des travaux ; le projet, plusieurs fois remanié, reçut enfin l’accord du Conseil d’État, ce qui provoqua l’ordonnance royale du 10 février 1842, qui autorisa la commune de Saurat à proroger de 8 années l’imposition extraordinaire, et à la percevoir à partir du 1er janvier 1845 jusqu’au 31 décembre 1852.

Les fontaines allaient pouvoir être installées dans tous les quartiers, excepté celui de Séourre, les restrictions de ressources ayant nécessité l’amputation d’une fontaine. Le 4 juin 1842, le traité fut reconduit avec M. Sérail

Une fois résolu le dimensionnement des tuyaux destinés à la distribution, on fit fabriquer les dits tuyaux, et les travaux de pose purent démarrer à partir du mois de septembre 1842. Ils furent interrompus en 1843 mais reprirent en avril 1844.

Les travaux d’ouverture de la tranchée dans la rue de Saurat étant facilités par les précédentes tentatives, les conditions météorologiques favorables contribuèrent à l’achèvement des travaux dans le courant du mois de novembre 1844 ; les Sauratois, heureux, purent dès cette date utiliser l’eau miraculeuse coulant sans interruption des deux fontaines et huit bornes-fontaines installés dans la rue de Saurat.

Le rapport se termine par cet hommage à M. Dessort : « Maintenant il nous sera peut-être permis de penser que celui qui, par ses soins, sa persévérance et son économie, a amené le résultat dont nous venons d’entretenir le lecteur, a fait quelque bien à ses concitoyens et qu’il a rempli dignement la tâche qu’il s’était imposée. »

Voilà ce que l’on pouvait lire dans la brochure éditée par le Syndicat d’Initiatives en 1923 :

Eau potable
« La ville est alimentée par quinze fontaines à jet continu, donnant chacune dans les 12 l d’eau par minute. Cette eau provient d’une source très abondante, captée en partie, située au milieu de terrains granitiques, à Tragines, sous le chemin qui mène à Cabus. La canalisation est en fonte et date de 1840. L’eau est d’une pureté irréprochable et d’une fraîcheur exquise. Il n’y en a pas de meilleure pour la boisson et les besoins du ménage. »

Sources
– Source de Thomas (1 km – 15 min) – Pradal, Gardelle, pont de Thomas, rive droite du torrent, à 50 mètres du pont. Eau fraîche. Joli paysage ; repas sur l’herbe.
– Source ferrugineuse de Lïnfer (3 km – 1 h) – Pradal, Gardelle, pont de Thomas, Camp d’Arse et bords du torrent (rive droite ou rive gauche) jusqu’à la rencontre de la source. Coin ombreux et sauvage. Cascades bruissantes. Retour par le chemin des Vignes.
– Sources de Fontanes, de Pounsac, de Pradadioul, Fontanes, à côté du lavoir ; Pounsac au pied de la roche de Siech (versant sud) ; Pradadioul, sous le sentier, à cinquante mètres après la métairie du même nom.
– Source ferrugineuse de l’Agoual (1 km – 15 min) – Par Séourre ou Camou, le Biais et l’Agoual. Angle nord-ouest du pont. Fortement ferrugineuse. Analysée. Excellente pour cures.

Très fréquentées
– Source du Martinet (2 km – 30 min) – Mouline ou Caserne et Martinet. Source au-delà du canal, à l’entrée de la prairie. Très fréquentée, le matin et le soir. Retour par Boudounelle et Pomiès. Belle vue sur Saurat.

– Source de Ruspas (3 km – 1 h) – Route départementale, Prades, pont Berny et Ruspas. Source au milieu d’un pré à cinquante mètres au nord des maisons. Eau excellente. Site merveilleux. Repas sur l’herbe. Retour par Bénécaou ou la route départementale.
– Source de Peyralade, du Biais, des Baoussès, de Guimot et celles déjà nommées font à Saurat (ville) un véritable collier de perles ruisselantes, délices des touristes.