Le château de Calamès
Calamès, un gardien de pierre
Chaque soir, les ruines du château de Calamès se découpent sur le fond du ciel. Pierres parmi les pierres, elles ne font qu’un avec la montagne. L’imposant massif calcaire de Calamès se dresse entre les vallées de la Courbière et de Saurat. Deux larges faces rocheuses forment un rempart rêvé pour une forteresse médiévale : 1 002 mètres d’altitude et des parois entre 250 et 350 mètres de haut. Au XIIIe siècle, la garnison implantée sur ce massif n’avait pas vocation à contempler la course des nuages. Son rôle était d’assurer la sécurité des portes de Tarascon par la vallée de Saurat. Grâce au fantastique positionnement de cette vigie, les hommes du comte de Foix veillaient sur le passage du col de Port, permettant de basculer en vicomté de Couserans.
L’ensemble de la forteresse épousait la crête. Au nord une enceinte protégeait l’escarpement. Le sud composé d’une falaise abrupte ne fut pas fortifié. Vers le couchant on distingue encore la base d’un large bâtiment aux larges murs, 80 cm, épaisseur généralement utilisée pour les murailles. Sur la partie plane se dressait le donjon, bâtiment de grandes dimensions, sans doute 40 m2, scandé de plusieurs étages. Des baies s’ouvraient dans le pan de mur nord, permettant l’observation de la vallée de Saurat. Comme dans toute caserne militaire, les hommes vivaient seuls avec leur capitaine, alors que les familles restaient aux villages. Jours et nuits devaient s’éterniser et jouer aux dés, faire tinter sa guimbarde ou parler du bon vieux temps devenait le quotidien de cette armée sommitale. Mais un jour de 1272, branlebas de combat, la longue monotonie s’éraille, la forteresse est gagée, on change de suzerain !
Le comte de Foix, Roger Bernard, en porte-à-faux avec Philippe III, roi de France, est sommé de livrer les plus importantes forteresses du comté, au nombre desquelles furent nommées Foix, Ax, Montgrenier (Montgailhard), Montréal-de-Sos, Lordat et Calamès. Afin de se tirer de ce mauvais pas, le comte désigna le roi d’Aragon, Jacques Premier, comme détenteur de ces bâtiments. Ainsi protégés, ils ne pourraient être saisis. Cependant, Jacques Premier céda et rendit assez tôt les forteresses de Foix et de Calamès. Mais pour les autres châteaux engagés, le comte de Foix dut être « chargé de fers » et envoyé en prison avant de changer d’avis et demander au roi d’Aragon de répondre à l’ordre de Philippe III. Libéré en 1273, Roger-Bernard ne retrouva ses possessions du haut comté qu’en 1277 et pour la première fois il prêta hommage au roi de France pour son comté tout entier. L’autorité royale était alors matériellement implantée sur ces marges du royaume.
Peu mentionné dans les archives, le château de Calamès ne révèle son existence qu’en 1272. Au pied du château furent retrouvées des centaines de pointes de flèches ainsi qu’un billon, monnaie royale du XIVe siècle. En 1672, 400 ans plus tard, il est décrit comme « ruine ».
Alors que ces vestiges s’écroulent doucement, les âmes solitaires des soldats du comte continuent leur paisible travail d’observation. Des falaises les plus abruptes surgissent parfois une poignée d’hommes, armés à la légère de cordes et de baudriers. Mais depuis les années 1970, la falaise a de petits sursauts, de faibles tremblements parfois ponctués de grands bruits d’explosifs. De nouveaux assaillants tentent l’ascension. Installées au pied de la face nord, les lourdes machines de carrier sapent le rocher. Alors qu’on parle aujourd’hui de renforcer les troupes d’assiégeants, de concasseurs à mâchoires, de giratoires broyeurs, de gravillonneurs, de sauterelles cribleuses, les pronostics s’engagent : 30 ans de bruits assourdissants, de poussière et de trafic incessant.
Pour ce dernier assaut, les sentinelles du château se tiennent prêtes. Elles continueront à se battre pour préserver leur quiétude et la silhouette du rocher de Calamès.